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Bulletin SAF 1899


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L'inscription bretonne de l'ossuraire de La Martyre

W. J. Jones

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


xxv

L'INSCRIPTION BRETONNE

L..'OSSUAIR
L..A MARTYRE

L'inscription bretonne dont une traduction de M. le ,
chanoine Abgrall a été donnée récemment au Bulletin (voir
p. 373) mériterait peut-être d'être étudiée de plus près; je
me permets donc d'y, revenir et d'en proposer une autre

traduction .
Pour en faciliter l'étude, je ' crois devoir transcrire de
nouveau cette inscription telle qu'elle est déjà parue.

AN : MARO : AN : BARN: AN : IFERN : IEN
HO : SOING: DEN: E : TLE : CRENA
FOL:EO:NA:PREDER:ESPERE'r .

EZ : EO : RET: DECEDl.
GVELET:

M. le chanoine Abgrall en donne la traduction suivante:
« -La mort, le jugement, l'enfer froid,
, « Quand l'homme y songe, il doit trembler;
« Il est insensé et imprévoyant d'espérer (vivre)
« Voyant qu'il est nécessaire de mourir. »
Ma rectification se porte sur la dernière partie que je
n'hésite pas à traduire par:
« 1 I1sensé est celui (lui ,ne s'en soucie pas en esprit ou dont

l'esprit ne s'en-occupe pas (e étant 1 préposi+,ion ou 2 prénom).
« VoyeZ (1) (devant vous par cet ossuaire) qu'il faut

mourl r. »

( l) La ponctuation que don ne M, le doyen Loth dans « La C/wes_
tomathie . » (voir plus bas la note de M. Abgrall) doit HI'e celle du Jl!Iù'over
de la 11W1't, en tout cas elle paraît être en faveur de traduire le mot
guelet par l'impératif.

Cette traduction est plus simple, plus grammaticale et ne
fait violence à aucun' mot, ce qui ne peut se dire de la
premlere. .
D'abord, la forme Fol eo na prede1° (aujourd'hui na breder
ket) est une forme très usitée en breton et en d'autres langues
celtiques, qui se passeraient volontiers de an hini (ou ses
équivalents) que l'on insère aujourd'hui au détriment du génie

de ces langues.
De plus, preder est une forme du verbe pre~eria ou 'un _
substantif et n'est nulle part pris pour un adjectif. (Voir Le
Pelletier, Grégoire de Rostrenen et Davies.) Il est vrai que
nous avons encore l'adjectif dibreder (ou rliberder), mais di .
est un privatif qui, presque toujours, entre en composition
substantif (Cf. digalon, difeiz, difrouez, didruez,
avec un
(1), etc.) Preder (subst.) veut dire sollicitude, anxiété
dihun
ou souci; il est malheureusement remplacé par ce -dernier
dans le breton moderne (soursi); en vieux breton il avait la
signification de pensée, pensée sérieuse et intense.
n existait un adjectif predp,rius (gallois pryderus) ; l'on sait -
us (lat. osus) a le sens de plein de et sert
que la terminaison
à former l'adjectif d'un substantif. .
La plus ancienne forme que l'on a pu trouver de ce rpot est
pritiri (voir Whitley Stokes: Old Breton Closses nO 48 et
Loth: vocabulaire vieux-breton). Le cornique avait le verbe
predery, et le gallois a encore le substantif pryder et le verbe
pryder'Lt. Lagadec dans le catholicon donne le verbe IJridiry
(penser) .
II est à remarqu r que les consonnes initiales ne subis-
sent pas encore de permutation: an barn (al' varn) , na preder
(na breder); plus tard, l'altération se fait toujours. _
Les formes na et ne sont aujourd'hui prises indifférem­
c'est l'euphonie qui est censée décider quelle est la
ment, et

(1) Bun est un substantif (voir Lagadec, etc,)

forme la meilleure, mais il serait facile de démontrer qu'il
n'a pas toujours été ainsi, et il serait bon, pour la pureté de
la langue, que la distinction fut mieux observée.
En breton ne répond au latin non (au grec D'V) tandis que
le breton na traduit le latin ne (grec mè); la forme na est le
négatif de l'impératif et des phrases dépendantes, tandis que
ne négative les propositions indépendantes. Pour former les
na est donc la vraie forme; kent na
conjonctions négatives,
ken n~, gant na, elc. L'inscription nous donne la vraie forme,
la phrase étant dépendante. Il est à remarquer que le gallois
maintient toujours la même . distinction entre les deux
ni et na.
formes
En ce temps de Pan-celtisme, je me permets d'ajouter l'ins­
cription en gallois :
y marw (ou plutôt Angau), y varn, (ac) uffernoer
Pan feddwl dyn (am danynt) dylai grynu;
Fwl yw na phrydera yn (ei) ysbryd (am danynt)

Gwe1wch YW raid marvv .

w. J. JONES .
Ile IfI. le ebanoine ADGR.t\..LL.
A la p::tge 294-296 de la Chrestomathie Bretonne de M. Loth, il
est question d'un livre très rare, puisqu'on en connait qu'un seul
exemplaire, appartenant à la bibliothèque Kerdanet de Lesneven;
·c'est le « ~1iroer de la mort », composé en 1513 par Jehan an
Coz, de la paroisse de Plougonven, et imprime en 1575 à
Archer
Saint· François de Cuburien Ce livre comprend 3360 vers bretons,
parmi lesquels on trouve ceux-ci:
An rrlarll, ha 'n Barnn, h'an Hern yen,
Pan 0 soing den ez dIe crenaff; .
Fol! eo na preder e speret,
Guelet ez cu ret decedélff .
C'est ce texte, datant déjà de plus de cent ans, qui a été reproduit
à La Martyre d'une façon un peu inexacte, et qui donne bien clai­
rement le sens des deux derniers vers :
si son esprit ne se soucie
Il est insensé
De voir qu'il est nécessaire de mourir •